Château-de-Latingy
Le château de Latingy
« Dans ce château naquit celui qui, en 1780, supprima la torture en France. »
Le château de Latingy, tel qu’il apparaît aujourd’hui, date, pour l’essentiel, du XIXe siècle (les ailes) et du tout début du XXe (le corps central). Latingy est pourtant le siège d’une très ancienne seigneurie remontant, probablement, au XIVe siècle.
Deux familles de propriétaires seulement se sont succédées en ce lieu depuis le Moyen-Âge jusqu’à aujourd’hui, même si les changements de patronyme liés à la transmission du bien par les femmes ont été nombreux. On trouve ainsi, au fil des générations d’une même famille, les noms d’ANJORRANT, dès le milieu du XVe siècle et au XVIe, puis celui de COURTIN du ROZAY au XVIIe, celui de HUE de MIROMESNIL, au XVIIIe. Le plus célèbre des Miromesnil est Armand Thomas Hue de Miromesnil, né à Latingy en 1723. Il est garde des sceaux de Louis XVI de 1774 à 1787 et auteur de l’édit du 24 août 1780 qui abolit la “question préparatoire”, la torture infligée aux accusés pour obtenir des aveux. Armand Thomas meurt en 1796.
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Blason de la
famille Hue de Miromesnil (coll. privée)
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C’est son frère cadet, Nicolas Thomas, officier de l’armée royale, qui, en 1790, croulant sous les dettes, vend le domaine de Latingy (avec ses meubles !) à un riche bourgeois d’Orléans, Nicolas LASNEAU. Se succèdent alors, au long des XIXe et XXe siècles, les héritiers de cette deuxième famille : PETEAU, de BEAUREGARD, de BEAUCORPS, MACHET de la MARTINIÈRE, les propriétaires actuels enfin.
Dans la hiérarchie féodale, Latingy occupait une place fort modeste . Vassale de plusieurs seigneuries (la plus importante étant celle de La Roncière, près de Loury), elle n’avait qu’un seul fief sous sa suzeraineté : Chenailles, à Saint-Denis-de-l’Hôtel. Le domaine n’en était pas moins important, oscillant, aux XVIIe et XVIIIe siècles, entre 700 et un peu plus de 1000 arpents (de 300 à 450 ha). Il comprenait, au gré des acquisitions et des ventes, plusieurs fermes avec des terres labourables étendues (l’Étang, La Gaillardière, la Patazerie…) et des maisons de vignes (le Mont, La Durandière…), ainsi que des bois assez vastes.
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Le “Plan Fleury” (Cliché Archives Départementales du Loiret où il est déposé) |
Le domaine de Latingy nous est connu par un extraordinaire plan dressé en 1643 par l’arpenteur Fleury qui fait la liste de toutes les possessions du seigneur de Latingy (Courtin du Rozay à l’époque, dont les armes sont représentées). Ce plan donne aussi de précieuses indications sur le bourg de Mardié et sur Pont-aux-Moines avant la construction du canal.
Le domaine est aussi doté d’un colombier, signe de noblesse, situé dans la cour des bâtiments agricoles attenants au château.
On sait qu’il y avait un pressoir “à arbre”, preuve de l’importance de la viticulture (même si la polyculture céréalière dominait sur les terres du domaine). Il y avait, au sud du château, un “canal” (reste de douve, vivier à carpes ?) et une “garenne” (réserve pour le petit gibier). Tous ces éléments sont bien visibles sur le plan Fleury – et encore dans le paysage aujourd’hui.
Malgré leur noblesse, les propriétaires de Latingy n’ont jamais pu se dire “seigneurs de Mardié”, bien qu’ils eussent essayé. C’est le Chapitre (l’assemblée des chanoines) de la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans, qui détenait la censive sur la majorité des terres de Mardié (c’est à lui que les paysans payaient le cens, l’impôt seigneurial) et qui avait droit de justice. Les chanoines ont toujours jalousement veillé sur leur titre et empêché le châtelain de Latingy de se proclamer Seigneur de Mardié. L’ensemble des papiers concernant les titres et droits féodaux de Latingy a été brûlé pendant la Révolution et nous n’avons des connaissances que très partielles et indirectes sur ce qu’ils contenaient.
Après la vente de 1790, les nouveaux propriétaires reprennent une politique d’agrandissement et d’exploitation rationnelle des terres. Le domaine atteint son apogée vers 1860 avec un peu plus de 750 ha. Une chapelle fut même construite dans le parc (en 1864) dont l’abside, utilisant les vestiges d’une ancienne tour, fait saillie dans le mur d’enceinte au nord, sur la rue du Mont. Les bâtiments et installations agricoles sont modernisés – ils existent encore. Le château lui-même est transformé et, en particulier, le corps central (probablement assez ancien) est entièrement reconstruit au tout début du XXe, ce qui lui a donné l’aspect qu’il conserve aujourd’hui. Mais, les partages entre héritiers, la vente des terres et des fermes pour faire face aux différentes charges, réduisent progressivement le domaine dont plus aucune exploitation agricole ne dépend aujourd’hui.
Sources :
- Charles de Beaucorps Histoire de Latingy. Volume manuscrit, collection privée.
- Karine Pellé-Pinault Un domaine du Val de Loire orléanais de 1667 à 1790 : Latingy (commune de Mardié). Mémoire de maîtrise sous la direction de Claude Michaud, 1997 (Archives Départementales du Loiret et Bibliothèque de Mardié).
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